Arrêtons le massacre

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Justice et droit

  1. Propos introductifs
    Pour arrêter le massacre, magistrats et tribunaux doivent rappeler chaque jour, avec force et solennité qu'une société moderne ne peut tolérer une telle barbarie, que la route est un espace social dont les règles doivent être respectées et que le Code de la Route fait totalement partie du Code Pénal.

  2. Le droit de conduire n'est pas éternel
    Même s'il paraît indispensable aux loisirs et, parfois même, au travail, le droit de conduire n'est pas une liberté inaliénable.

  3. L'imprudence délibérée est un délit
    L'alcool et la vitesse étant les deux principales causes d'accident, le législateur a renforcé la répression de ces comportements qui mettent directement en danger la vie d'autrui.

  4. L'atteinte à la vie
    Tout responsable d'un accident ayant provoqué des morts ou des blessés peut se retrouver devant un tribunal correctionnel pour répondre de ses actes.

  5. La menace de la sanction
    Les chiffres démontrent que la peur de la justice a de fortes vertus préventives.

  6. La certitude de la sanction
    L'effet dissuasif de la menace n'a qu'un temps

  7. La gravité de la sanction
    Le rôle préventif de la justice culmine avec la sanction prononcée

Source : Fondation Anne Cellier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUSTICE ET SECURITE ROUTIERE
(Source : Fondation Anne Cellier)

  1. Introduction
  2. Le Code de la Route enseigne à tous les apprentis conducteurs qu'il n'y a pas de plaisir sans loi. Pour qui veut bien le lire, il explique clairement que la route est un espace public nécessaire à une incroyable diversité d'utilisateurs : de la poussette d'enfants au bolide de course en passant les charrettes à foin, les mobylettes, les semi-remorque, les rollers et bien entendu les piétons. En un siècle, l'accroissement vertigineux du trafic a rendu cette coexistence problématique. Sans le strict respect de règles précises, il n'y a de sécurité pour personne.

    Mais retraité sous la forme de diapositives et de questionnaires à choix multiples, le Code de la Route a perdu le prestige et la force de la Loi. Il est devenu une sorte d'épreuve fastidieuse aussi rapidement passée que vite oubliée. Le permis en poche, le conducteur s'empresse d'oublier les leçons. La route n'est plus pour lui un lieu public où le respect de l'autre s'impose mais un espace qui doit se plier ses envies, ses contraintes, ses caprices. Et, parfois même un terrain d'aventures pour son goût de la puissance et de la vitesse. Tant pis alors pour les plus faibles, les moins rapides, les moins puissants. Tant pis pour les cyclistes, les enfants, les personnes âgées ou les piétons.

    Cette route, devenue jungle, coûte à notre pays 10.000 morts par an.

    Pour arrêter le massacre, magistrats et tribunaux doivent rappeler chaque jour, avec force et solennité qu'une société moderne ne peut tolérer une telle barbarie, que la route est un espace social dont les règles doivent être respectées et que le Code de la Route fait totalement partie du Code Pénal.

    La Justice joue ainsi un rôle déterminant dans la prévention. Réprimer la délinquance routière est devenue une des premières tâches des tribunaux de police mais aussi des juges correctionnels qui n'hésitent plus à consacrer aux chauffards des audiences spéciales pour mieux frapper l'opinion. Depuis vingt ans, les poursuites se sont fait plus fréquentes et les sanctions plus lourdes.

  3. Le droit de conduire n'est pas éternel

    Même s'il paraît indispensable aux loisirs et, parfois même, au travail, le droit de conduire n'est pas une liberté inaliénable.

    1. Le permis à points

      Depuis la loi de juillet 1989, le permis de conduire n'est plus un diplôme que l'on conserve à vie mais un capital de 12 points qui s'épuise à chaque infraction grave au Code de la Route.

      A titre d'exemple, chaque excès de 10 km/h au-delà des vitesses autorisées peut entraîner le retrait d'un point.

      Un franchissement de ligne jaune coûte 3 points

      Un feu rouge grillé ou un panneau stop ignoré, un sens interdit négligé entraîne le retrait de 4 points.

      Les points sont retirés pour une durée de 10 ans. Ils ne peuvent être récupérés que grâce à des stages officiels de rattrapage ou grâce à trois ans de conduite sans infraction.

      Le retrait de 12 points entraîne automatiquement l'annulation du permis de conduire et l'interdiction de conduire pendant six mois au bout des quels il est possible de repasser l'épreuve.

    2. L'annulation du permis

      Un tribunal peut ordonner l'annulation immédiate du permis de conduire :

      • pour une durée maximale de 3 ans en cas de conduite en état d'ivresse
      • pour une durée maximale de 5 ans en cas de mise en danger délibérée de la vie d'autrui.
      • En cas de récidive, cette annulation est automatique
  4.  

  5. L'imprudence délibérée est un délit

    L'alcool et la vitesse étant les deux principales causes d'accident, le législateur a renforcé la répression de ces comportements qui mettent directement en danger la vie d'autrui.

    1. La conduite en état d'ivresse

      Tout conducteur surpris avec plus de 0,8 gramme d'alcool dans le sang est passible d'une peine de 2 ans de prison et d'une amende de 30.000 F. Son permis peut être suspendu ou annulé pour une durée de 3 ans.

      En cas de récidive, il risque 4 ans de prison, 60.000 F d'amende, la confiscation du véhicule ou son immobilisation pendant un an. Le permis de conduire sera automatiquement annulé pour une durée maximale de 3 ans.

    2. Le grand excès de vitesse

      Dépasser de plus de 50 km/h la vitesse autorisée entraînait déjà une contravention de quatrième classe : 6 points en moins et suspension possible du permis de conduire pour une durée de six mois

      Désormais, les chauffards récidivistes seront passibles de la prison s'ils commettent la même infraction dans un délai d'un an après la première condamnation. Ils risquent 3 mois de prison et 25.000 F d'amende.

    3. La mise en danger

      La rigueur de la loi pénale ne concerne pas que les fous de la vitesse ou les conducteurs alcooliques. Franchir une ligne blanche continue en haut d'une côte et sans visibilité, commettre un excès de vitesse à proximité de la sortie d'une école peuvent être considérés par un tribunal comme un délit de mise en danger délibéré de la vie d'autrui.

      Les peines maximales prévues sont un an d'emprisonnement, 100.000 F d'amende assortie de la suppression ou de l'annulation du permis pendant 5 ans.

    4. Le délit de fuite

    Ne pas s'arrêter après avoir provoqué un accident même sans gravité est aussi un délit. S'il est établi qu'il ne s'agit pas d'une simple inattention mais d'une tentative pour échapper aux conséquences de ses actes, le tribunal peut prononcer une peine de deux ans d'emprisonnement et 200.000 F d'amende.

  6. L'atteinte à la vie
  7. La justice ne considère pas la mort sur la route comme une fatalité banalisée par les statistiques, un risque couvert par les assurances. Tout responsable d'un accident ayant provoqué des morts ou des blessés peut se retrouver devant un tribunal correctionnel pour répondre de ses actes.

    L'homicide involontaire

    Que ce soit par simple inattention ou par imprudence, provoquer la mort de quelqu'un est passible de 3 ans de prison et de 300.000 francs d'amende. Mais la sanction peut être aggravé en fonction des circonstances.

    S'il est établi que le responsable a commis délibérément une infraction au Code de la Route, la peine peut être portée à 5 ans et 500.000 F d'amende.

    En cas d'homicide involontaire en état d'alcoolémie ou en cas de récidive, ces peines peuvent être encore doublées, ce qui porte à dix ans, la peine maximale.

    Enfin, si le responsable de l'accident mortel a pris la fuite pour tenter d'échapper à la justice, il risque en plus 4 ans de prison et 400.000 F d'amende.

    Le responsable risque, à titre de peines complémentaires, l'annulation de son permis de conduire avec interdiction de le repasser pendant une durée maximale de 5 ans. S'il était en état d'alcoolémie au moment de l'accident, cette annulation n'est plus laissée à l'appréciation du tribunal : elle est automatique.

    Les trois magistrats qui jugent le prévenu peuvent aussi prononcer la confiscation du véhicule. Ils peuvent aussi transformer la peine de prison en heures de travail d'intérêt général.

    Si l'accident n'a provoqué que des blessures graves (plus de trois mois d'arrêt de travail), la peine de base est de 2 ans de prison et de 200.000 F d'amende. Comme pour l'homicide involontaire, la peine peut-être aggravée en fonction des circonstances : 3 ans de prison s'il y a infraction délibérée au code de la route, de 4 à 6 ans si le chauffard est récidiviste ou en état d'alcoolémie. Quatre ans de plus s'il y a délit de fuite.

    Les peines complémentaires sont les mêmes que pour l'homicide involontaire.

    Si les blessures n'ont provoqué qu'un arrêt de travail inférieur à trois mois, le responsable est passible d'un an de prison et 100.000 F d'amende s'il est établi qu'il a commis une infraction délibérée au code de la route. Il risque aussi la suspension de son permis de conduire pendant 5 ans.

  8. La menace de sanction
  9. Les chiffres démontrent que la peur de la justice a de fortes vertus préventives. Chaque renforcement de la législation répressive a été immédiatement suivi d'une baisse sensible des accidents de la circulation et du nombre de tués sur les routes. Ce fut le cas de délit de conduite en état d'alcoolémie en 1987, de l'instauration du permis à points en 1989. À son tour, l'annonce de peines de prison pour les grands excès de vitesse a provoqué en 1999 une baisse du nombre de victimes qui était en augmentation dramatique l'année précédente.

    Cet effet dissuasif de la menace pénale incite de nombreux magistrats à médiatiser les campagnes répressives. Dans les Landes, en 1998, le procureur de la République annonce des contrôles systématiques d'alcoolémie pendant toute la durée de la Feria de Dax avec comparution immédiate des conducteurs surpris en état d'ivresse. Le nombre d'accident a connu une baisse spectaculaire.

    Au début de l'année 2000, le parquet de Marseille a pris la même initiative au sujet de l'utilisation des téléphones portables.

    Les magistrats démontrent ainsi qu'ils peuvent être les acteurs les plus efficaces de la prévention.

  10. La certitude de sanction

  11. L'effet dissuasif de la menace n'a qu'un temps. Les mêmes statistiques démontrent que quelques mois après l'annonce d'une campagne répressive, les chiffres d'accidents graves repartent à la hausse. La menace de la sanction perd vite son pouvoir quand les conducteurs savent qu'ils peuvent passer à travers les mailles de la répression.

    La fonction préventive de la justice ne peut s'appuyer que sur la certitude de la sanction. Or, à la différence de beaucoup de pays anglo-saxons, la justice française fonctionne en effet sur le principe de l'opportunité des poursuites. Tout accident, même mortel, ne conduit pas inéluctablement le responsable devant un tribunal. Le procureur de la République peut classer l'affaire sans suite s'il estime, à la simple lecture du procès verbal d'enquête, que l'infraction au code de la Route n'est pas clairement établie.

    Environ 40 % des accidents graves débouchent aujourd'hui sur des classements sans suite. Une situation qui, dans un pays où les contraventions " sautent " sous l'effet de passe-droit ou des amnisties, risque de convaincre les conducteurs qu'ils bénéficient d'une grande marge de tolérance.

    Pourtant la situation semble s'inverser depuis quelques années. Dans les départements très touchés par la violence routière, les Parquets poursuivent plus systématiquement les responsables. Les procédures de comparution immédiate, en cas d'alcoolémie positive, se généralisent. On est encore loi de la " tolérance zéro " mais la justice signifie désormais aux conducteurs que la société ne peut plus accepter les comportements délibérément dangereux.

  12. La gravité de la sanction

  13. Le rôle préventif de la justice culmine avec la sanction prononcée. Relayé par les médias, le jugement touche directement l'opinion et l'imaginaire des conducteurs. Risquer de faire quelques mois de prison ferme ou de perdre son travail à la suite d'une annulation de permis modifie bien des comportements. Dans ce domaine aussi, la politique des tribunaux a beaucoup évolué.

    En 1987, un chauffard ivre, responsable de la mort d'une jeune fille, se voyait infliger par le tribunal correctionnel, puis par la Cour d'Appel, qu'une simple peine d'emprisonnement avec sursis et quelques milliers de francs d'amendes.

    Dix ans plus tard, les homicides involontaires commis sous l'empire d'un état alcoolique sont le plus souvent sanctionnés par de la prison ferme. Même s'il existe de fortes disparités entre les tribunaux, la peine dépasse rarement les six mois d'emprisonnement. Elle est toujours assortie d'une annulation du permis de conduire pour une durée variant de trois à cinq ans.

    Les tribunaux français accordent généralement le sursis quand l'accident n'a fait que des blessés ou quand il a une autre cause que l'alcool (vitesse excessive, défaut de priorité, dépassement dangereux, etc.). L'annulation de permis varie alors entre 1 et 3 ans. Toutefois, certains magistrats n'hésitent pas à se montrer plus sévères et à prononcer deux à trois mois de prison ferme en cas d'homicide involontaire sans alcoolémie mais cette tendance reste encore très minoritaire.

    En revanche, beaucoup d'accidents mortels débouchent encore sur des classements sans suite ou des relaxes quand la faute d'inattention ou de simple maladresse n'est pas aggravée par une infraction délibérée au code de la route.

    Les sanctions prononcées pour conduite en état d'alcoolémie à la suite de contrôles suivent la même échelle de gravité. Simple suspension ou annulation de permis pour la première infraction. Peine de prison avec sursis en cas de récidive. Peine de prison ferme à la troisième comparution ou lorsque le conducteur récidive alors qu'il est déjà sous le coup d'une annulation de permis.

    La justice ne se montre vraiment très sévère que pour les chauffards récidivistes ou les conducteurs ayant par ailleurs un casier judiciaire chargé. À Alès, à Marseille, des peines de prison de six ans ferme ont été prononcées pour des homicides involontaires en état d'alcoolémie. Il s'agissait de conducteurs déjà condamnés pour homicide involontaire ou pour vols.

    Mais certaines circonstances aggravantes peuvent faire basculer la répression des accidents de la route sur un nouveau terrain judiciaire. Très récemment, un chauffard qui avait renversé un cycliste et l'avait traîné sur plusieurs kilomètres avant de l'abandonner sur le bas coté, a été renvoyé devant les Assises et condamné à 12 ans de prison. La justice a estimé qu'il ne s'agissait plus d'un homicide involontaire mais de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort, crime passible des Assises. Une autre instruction, sur le même chef d'inculpation dans des circonstances identiques, est en cours dans l'est de la France.

    Collectif Grande Cause 2000 pour la sécurité sur la route
6, avenue Hoche 75008 Paris