- Introduction
Le Code de la Route
enseigne à tous les apprentis conducteurs qu'il n'y a pas
de plaisir sans loi. Pour qui veut bien le lire, il explique clairement
que la route est un espace public nécessaire à une
incroyable diversité d'utilisateurs : de la poussette
d'enfants au bolide de course en passant les charrettes à
foin, les mobylettes, les semi-remorque, les rollers et bien entendu
les piétons. En un siècle, l'accroissement vertigineux
du trafic a rendu cette coexistence problématique. Sans
le strict respect de règles précises, il n'y a de
sécurité pour personne.
Mais retraité
sous la forme de diapositives et de questionnaires à choix
multiples, le Code de la Route a perdu le prestige et la force
de la Loi. Il est devenu une sorte d'épreuve fastidieuse
aussi rapidement passée que vite oubliée. Le permis
en poche, le conducteur s'empresse d'oublier les leçons.
La route n'est plus pour lui un lieu public où le respect
de l'autre s'impose mais un espace qui doit se plier ses envies,
ses contraintes, ses caprices. Et, parfois même un terrain
d'aventures pour son goût de la puissance et de la vitesse.
Tant pis alors pour les plus faibles, les moins rapides, les moins
puissants. Tant pis pour les cyclistes, les enfants, les personnes
âgées ou les piétons.
Cette route, devenue
jungle, coûte à notre pays 10.000 morts par an.
Pour arrêter
le massacre, magistrats et tribunaux doivent rappeler chaque jour,
avec force et solennité qu'une société moderne
ne peut tolérer une telle barbarie, que la route est un
espace social dont les règles doivent être respectées
et que le Code de la Route fait totalement partie du Code Pénal.
La Justice joue ainsi
un rôle déterminant dans la prévention. Réprimer
la délinquance routière est devenue une des premières
tâches des tribunaux de police mais aussi des juges correctionnels
qui n'hésitent plus à consacrer aux chauffards des
audiences spéciales pour mieux frapper l'opinion. Depuis
vingt ans, les poursuites se sont fait plus fréquentes
et les sanctions plus lourdes.
- Le
droit de conduire n'est pas éternel
Même s'il paraît
indispensable aux loisirs et, parfois même, au travail,
le droit de conduire n'est pas une liberté inaliénable.
- Le permis à
points
Depuis la loi
de juillet 1989, le permis de conduire n'est plus un diplôme
que l'on conserve à vie mais un capital de 12 points
qui s'épuise à chaque infraction grave au
Code de la Route.
A titre d'exemple,
chaque excès de 10 km/h au-delà des vitesses
autorisées peut entraîner le retrait d'un point.
Un franchissement
de ligne jaune coûte 3 points
Un feu rouge
grillé ou un panneau stop ignoré, un sens
interdit négligé entraîne le retrait
de 4 points.
Les points sont
retirés pour une durée de 10 ans. Ils ne peuvent
être récupérés que grâce
à des stages officiels de rattrapage ou grâce
à trois ans de conduite sans infraction.
Le retrait de
12 points entraîne automatiquement l'annulation du
permis de conduire et l'interdiction de conduire pendant
six mois au bout des quels il est possible de repasser l'épreuve.
- L'annulation
du permis
Un tribunal peut
ordonner l'annulation immédiate du permis de conduire :
- pour une durée
maximale de 3 ans en cas de conduite en état d'ivresse
- pour une durée
maximale de 5 ans en cas de mise en danger délibérée
de la vie d'autrui.
- En cas de
récidive, cette annulation est automatique
-
L'imprudence délibérée est un délit
L'alcool et la vitesse
étant les deux principales causes d'accident, le législateur
a renforcé la répression de ces comportements
qui mettent directement en danger la vie d'autrui.
- La conduite en
état d'ivresse
Tout conducteur
surpris avec plus de 0,8 gramme d'alcool dans le sang est
passible d'une peine de 2 ans de prison et d'une amende de
30.000 F. Son permis peut être suspendu ou annulé
pour une durée de 3 ans.
En cas de récidive,
il risque 4 ans de prison, 60.000 F d'amende, la confiscation
du véhicule ou son immobilisation pendant un an. Le
permis de conduire sera automatiquement annulé pour
une durée maximale de 3 ans.
- Le grand excès
de vitesse
Dépasser
de plus de 50 km/h la vitesse autorisée entraînait
déjà une contravention de quatrième classe :
6 points en moins et suspension possible du permis de conduire
pour une durée de six mois
Désormais,
les chauffards récidivistes seront passibles de la
prison s'ils commettent la même infraction dans un délai
d'un an après la première condamnation. Ils
risquent 3 mois de prison et 25.000 F d'amende.
- La mise en danger
La rigueur de la
loi pénale ne concerne pas que les fous de la vitesse
ou les conducteurs alcooliques. Franchir une ligne blanche
continue en haut d'une côte et sans visibilité,
commettre un excès de vitesse à proximité
de la sortie d'une école peuvent être considérés
par un tribunal comme un délit de mise en danger délibéré
de la vie d'autrui.
Les peines maximales
prévues sont un an d'emprisonnement, 100.000 F d'amende
assortie de la suppression ou de l'annulation du permis pendant
5 ans.
- Le délit
de fuite
Ne pas s'arrêter
après avoir provoqué un accident même sans
gravité est aussi un délit. S'il est établi
qu'il ne s'agit pas d'une simple inattention mais d'une tentative
pour échapper aux conséquences de ses actes, le
tribunal peut prononcer une peine de deux ans d'emprisonnement
et 200.000 F d'amende.
- L'atteinte
à la vie
La justice ne considère
pas la mort sur la route comme une fatalité banalisée
par les statistiques, un risque couvert par les assurances. Tout
responsable d'un accident ayant provoqué des morts ou des
blessés peut se retrouver devant un tribunal correctionnel
pour répondre de ses actes.
L'homicide involontaire
Que ce soit par simple
inattention ou par imprudence, provoquer la mort de quelqu'un
est passible de 3 ans de prison et de 300.000 francs d'amende.
Mais la sanction peut être aggravé en fonction des
circonstances.
S'il est établi
que le responsable a commis délibérément
une infraction au Code de la Route, la peine peut être portée
à 5 ans et 500.000 F d'amende.
En cas d'homicide involontaire
en état d'alcoolémie ou en cas de récidive,
ces peines peuvent être encore doublées, ce qui porte
à dix ans, la peine maximale.
Enfin, si le responsable
de l'accident mortel a pris la fuite pour tenter d'échapper
à la justice, il risque en plus 4 ans de prison et 400.000
F d'amende.
Le responsable risque,
à titre de peines complémentaires, l'annulation
de son permis de conduire avec interdiction de le repasser pendant
une durée maximale de 5 ans. S'il était en état
d'alcoolémie au moment de l'accident, cette annulation
n'est plus laissée à l'appréciation du tribunal :
elle est automatique.
Les trois magistrats
qui jugent le prévenu peuvent aussi prononcer la confiscation
du véhicule. Ils peuvent aussi transformer la peine de
prison en heures de travail d'intérêt général.
Si l'accident n'a provoqué
que des blessures graves (plus de trois mois d'arrêt de
travail), la peine de base est de 2 ans de prison et de 200.000
F d'amende. Comme pour l'homicide involontaire, la peine peut-être
aggravée en fonction des circonstances : 3 ans de
prison s'il y a infraction délibérée au code
de la route, de 4 à 6 ans si le chauffard est récidiviste
ou en état d'alcoolémie. Quatre ans de plus s'il
y a délit de fuite.
Les peines complémentaires
sont les mêmes que pour l'homicide involontaire.
Si les blessures n'ont
provoqué qu'un arrêt de travail inférieur
à trois mois, le responsable est passible d'un an de prison
et 100.000 F d'amende s'il est établi qu'il a commis une
infraction délibérée au code de la route.
Il risque aussi la suspension de son permis de conduire pendant
5 ans.
- La
menace de sanction
Les chiffres démontrent
que la peur de la justice a de fortes vertus préventives.
Chaque renforcement de la législation répressive
a été immédiatement suivi d'une baisse sensible
des accidents de la circulation et du nombre de tués sur
les routes. Ce fut le cas de délit de conduite en état
d'alcoolémie en 1987, de l'instauration du permis à
points en 1989. À son tour, l'annonce de peines de prison
pour les grands excès de vitesse a provoqué en 1999
une baisse du nombre de victimes qui était en augmentation
dramatique l'année précédente.
Cet effet dissuasif
de la menace pénale incite de nombreux magistrats à
médiatiser les campagnes répressives. Dans les Landes,
en 1998, le procureur de la République annonce des contrôles
systématiques d'alcoolémie pendant toute la durée
de la Feria de Dax avec comparution immédiate des conducteurs
surpris en état d'ivresse. Le nombre d'accident a connu
une baisse spectaculaire.
Au début de
l'année 2000, le parquet de Marseille a pris la même
initiative au sujet de l'utilisation des téléphones
portables.
Les magistrats démontrent
ainsi qu'ils peuvent être les acteurs les plus efficaces
de la prévention.
-
La
certitude de sanction
L'effet dissuasif de la
menace n'a qu'un temps. Les mêmes statistiques démontrent
que quelques mois après l'annonce d'une campagne répressive,
les chiffres d'accidents graves repartent à la hausse. La
menace de la sanction perd vite son pouvoir quand les conducteurs
savent qu'ils peuvent passer à travers les mailles de la
répression.
La fonction préventive
de la justice ne peut s'appuyer que sur la certitude de la sanction.
Or, à la différence de beaucoup de pays anglo-saxons,
la justice française fonctionne en effet sur le principe
de l'opportunité des poursuites. Tout accident, même
mortel, ne conduit pas inéluctablement le responsable devant
un tribunal. Le procureur de la République peut classer
l'affaire sans suite s'il estime, à la simple lecture du
procès verbal d'enquête, que l'infraction au code
de la Route n'est pas clairement établie.
Environ 40 % des accidents
graves débouchent aujourd'hui sur des classements sans
suite. Une situation qui, dans un pays où les contraventions
" sautent " sous l'effet de passe-droit ou
des amnisties, risque de convaincre les conducteurs qu'ils bénéficient
d'une grande marge de tolérance.
Pourtant la situation
semble s'inverser depuis quelques années. Dans les départements
très touchés par la violence routière, les
Parquets poursuivent plus systématiquement les responsables.
Les procédures de comparution immédiate, en cas
d'alcoolémie positive, se généralisent. On
est encore loi de la " tolérance zéro "
mais la justice signifie désormais aux conducteurs que
la société ne peut plus accepter les comportements
délibérément dangereux.
-
La
gravité de la sanction
Le rôle préventif
de la justice culmine avec la sanction prononcée. Relayé
par les médias, le jugement touche directement l'opinion
et l'imaginaire des conducteurs. Risquer de faire quelques mois
de prison ferme ou de perdre son travail à la suite d'une
annulation de permis modifie bien des comportements. Dans ce domaine
aussi, la politique des tribunaux a beaucoup évolué.
En 1987, un chauffard
ivre, responsable de la mort d'une jeune fille, se voyait infliger
par le tribunal correctionnel, puis par la Cour d'Appel, qu'une
simple peine d'emprisonnement avec sursis et quelques milliers
de francs d'amendes.
Dix ans plus tard,
les homicides involontaires commis sous l'empire d'un état
alcoolique sont le plus souvent sanctionnés par de la prison
ferme. Même s'il existe de fortes disparités entre
les tribunaux, la peine dépasse rarement les six mois d'emprisonnement.
Elle est toujours assortie d'une annulation du permis de conduire
pour une durée variant de trois à cinq ans.
Les tribunaux français
accordent généralement le sursis quand l'accident
n'a fait que des blessés ou quand il a une autre cause
que l'alcool (vitesse excessive, défaut de priorité,
dépassement dangereux, etc.). L'annulation de permis varie
alors entre 1 et 3 ans. Toutefois, certains magistrats n'hésitent
pas à se montrer plus sévères et à
prononcer deux à trois mois de prison ferme en cas d'homicide
involontaire sans alcoolémie mais cette tendance reste
encore très minoritaire.
En revanche, beaucoup
d'accidents mortels débouchent encore sur des classements
sans suite ou des relaxes quand la faute d'inattention ou de simple
maladresse n'est pas aggravée par une infraction délibérée
au code de la route.
Les sanctions prononcées
pour conduite en état d'alcoolémie à la suite
de contrôles suivent la même échelle de gravité.
Simple suspension ou annulation de permis pour la première
infraction. Peine de prison avec sursis en cas de récidive.
Peine de prison ferme à la troisième comparution
ou lorsque le conducteur récidive alors qu'il est déjà
sous le coup d'une annulation de permis.
La justice ne se montre
vraiment très sévère que pour les chauffards
récidivistes ou les conducteurs ayant par ailleurs un casier
judiciaire chargé. À Alès, à Marseille,
des peines de prison de six ans ferme ont été prononcées
pour des homicides involontaires en état d'alcoolémie.
Il s'agissait de conducteurs déjà condamnés
pour homicide involontaire ou pour vols.
Mais certaines circonstances
aggravantes peuvent faire basculer la répression des accidents
de la route sur un nouveau terrain judiciaire. Très récemment,
un chauffard qui avait renversé un cycliste et l'avait
traîné sur plusieurs kilomètres avant de l'abandonner
sur le bas coté, a été renvoyé devant
les Assises et condamné à 12 ans de prison. La justice
a estimé qu'il ne s'agissait plus d'un homicide involontaire
mais de coups et blessures volontaires ayant entraîné
la mort, crime passible des Assises. Une autre instruction, sur
le même chef d'inculpation dans des circonstances identiques,
est en cours dans l'est de la France.